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Jeudi et vendredi derniers se tenait la GEN6, un événement incontournable autour du numérique dans le Grand Est. Au delà des acteurs du numérique du Grand Est, d’autres acteurs de l’innovation, à renommée mondiale, étaient présents.
J’y étais, et cet article est mon retour d’expérience sur ces deux journées pleines de rencontres et sources d’inspiration.
GEN6, c’était la 6ème édition d’un événement organisé par Grand Est Numérique qui prend de l’ampleur, mais c’était la première édition à laquelle j’assistais. Et je n’ai pas été déçu.
Rencontres
Pour commencer, GEN6, ça a été des rencontres intéressantes. Ma visite a commencé par une expérience originale : une méditation en VR que m’a proposée l’entreprise HypnoVR. Leur projet ? Diminuer voire éliminer les anesthésiants chimiques lors d’interventions chirurgicales. Comment ? En hypnotisant les patients et en les immergeant dans un monde virtuel en 3D grâce à un casque de réalité virtuelle.
Bien sûr, un anesthésiste reste toujours présent pour passer aux solutions chimiques si l’hypnose en réalité virtuelle ne suffit pas. Mais les bénéfices de cette approche par l’hypnose ont déjà été prouvés, et HypnoVR a pour ambition de faire profiter de cette approche au plus grand nombre.
GEN6, c’est aussi évidemment des conférences. J’ai assisté sur ces deux jours à une dizaine de conférences. Je ne vais pas forcément résumer chacune d’elle ici mais je souhaite quand même partager quelques conseils reçus, quelques expériences racontées qui m’ont fait avancer.
Intelligence artificielle : on fait quoi et comment, en région Grand Est ?
Cette conférence, animée par Laurent Alexandre, était plutôt politique et économique. Le message que veux faire passer Laurent Alexandre, c’est que les régions, la France et plus généralement l’Europe ont énormément de retard dans le domaine alors que l’intelligence artificielle représente l’économie de demain. Et que ce retard, il n’est pas dû au hasard : les investissements dans la recherche sont beaucoup trop faibles, et les investissements dans l’éducation sont faibles et mal utilisés.
La Chine qui a décidé de tout miser sur l’intelligence artificielle va bientôt dépasser les États-Unis. D’un point de vue économique, personne n’aurait parié sur la Chine il y a quelques années. Elle rivalise pourtant aujourd’hui avec les États-Unis, loin devant l’Europe.
Quant aux États-Unis, comment ont développé l’IA aussi rapidement ? Simplement parce que l’IA contrairement à ce que laisse entendre son nom est totalement conne. Et pour apprendre, là où un humain a besoin de quelques exemples pour généraliser, l’IA a besoin de millions d’exemples. Donc des millions de données. Et qui détient de telles quantités de données ? Les GAFAM (dont aucun n’est français ni même européen vous remarquerez !).
Une conférence intéressante mais un peu alarmiste à mon goût. Il a pourtant insisté sur le fait qu’il n’aimait pas les discours catastrophistes qui ne font pas avancer les choses. J’ai trouvé personnellement qu’il est pourtant tombé dans ce registre…
10 ans dans la Silicon Valley, leçons et challenges
Dans cette conférence, Loïc Le Meur donnait son point de vue sur les clés du succès pour une startup.
Premier point : avoir une vision d’enfant. Se poser des questions "pourquoi ça fonctionne comme ça" et aussi "pourquoi ça ne fonctionnerait pas comme ça". Comme les enfants, ne pas se limiter à ce qu’on connaît. La méditation peut aider à prendre du recul comme le font naturellement les enfants.
Deuxième point : partir du besoin. Beaucoup d’exemples peuvent l’illustrer. Pour n’en reprendre qu’un : Airbnb est né suite à la constatation de leurs créateurs un jour qu’un événement avait lieu dans leur ville et que les hôtels affichaient tous complets. Ils ont donc eu l’idée de louer leur chambre.
Troisième point : être réactif. Elle ne se limite d’ailleurs pas aux startups et Loïc Le Meur a pris l’exemple de Tesla pour illustrer cette idée. Alors qu’il voulait recharger sa voiture Tesla, toutes les places étaient prises par des gens qui s’y étaient garés. Il a alors tweeté :
« @elonmusk the San Mateo supercharger is always full with idiots who leave their tesla for hours even if already charged. »
6 jours plus tard, les voitures qui restaient garées après leur recharge étaient facturées.
Quatrième point : ne pas avoir peur de se planter. L’échec permet de rebondir.
Cinquième point : sortir un produit minimum viable le plus rapidement possible. Partir de la deadline et imaginer ce qu’on peut faire avec ce temps plutôt que de partir du résultat voulu qui nous amènera toujours à des dates très lointaines.
« Si tu n’as pas honte de la première version de ton produit, c’est que tu l’as sorti trop tard » (traduction d’une citation en anglais)
(Il a illustré avec les premières versions de Tweeter, Facebook, et d’autres : effectivement il y avait de quoi avoir honte…)
La méthode selon lui, qui va à l’encontre de l’entreprenariat classique :
pas de contrôle qualité
pas d’études
pas de pub
pas de business plan
sortir rapidement un produit minimum viable et voir si ça trouve un public (et ne pas avoir peur de l’échec, encore une fois).
Avec ces conseils (à prendre ou à laisser), quelques tendances également, qui selon lui sont liées à la génération Y. Je ne partage pas totalement son point de vue mais selon lui, la génération Y est caractérisée par :
la volonté de ne rien posséder (location et partage de bien et de services)
la volonté de ne rien planifier (services accessibles en 1 clic à tout moment)
la réticence à parler aux autres (plutôt passer par une appli)
la volonté de changer le monde (avec l’exemple d’Elon Musk entre autres, mais c’est vrai que j’ai constaté ces deux jours une tendance au #tech4good)
Enfin, il nous a également partagé un petit conseil : ne jamais construire dans le jardin des autres. Ce qui lui fait dire ça ? Son projet Seesmic bâti autour de Tweeter qui a pris fin du jour au lendemain à cause de la politique de Tweeter.
Robot Open Source imprimé en 3D
Gaël Langevin, sculpteur, créateur, a présenté à travers cette conférence son projet InMoov : un robot humanoïde totalement imprimé en 3D. Il a décrit dans cette conférence comment son projet est né : d’un projet publicitaire où il devait créer une main futuriste et où il a eu l’idée de créer une main robotique. Publicité qui n’a jamais vu le jour. Mais la main était créée. "Et pourquoi pas continuer et créer un bras ?" puis "pourquoi pas un corps ?". Et le projet inMoov était né.
Toujours bidouilleur, Gaël Langevin récupérait gamin des ordinateurs "cassés" et cherchait à les réparer. Souvent, le problème était logiciel et simplement installer GNU/Linux redonnait vie à un vieil ordinateur. C’est comme ça qu’il a découvert Linux, c’est comme ça qu’il a découvert Blender (le logiciel qui lui a permis de modéliser son robot). Bref, c’est comme ça qu’il a découvert le libre. Et parce que cette philosophie lui a permis de monter le projet, il a décidé lui aussi de donner : tous les plans et tous les modèles des pièces sont sous license Creative Commons CC-BY-NC.
Il ne vend pas le robot. Mais le projet reste indépendant et continue d’évoluer : une communauté est née autour de ce projet. Quant à l’aspect financier, c’est majoritairement grâce à la shield (carte électronique) qui est très technique à reproduire et qu’il propose donc à la vente que le projet est financé.
Un projet vraiment inspirant et qui montre que le libre est capable de merveilles.
Écologie humaine : comment créer les conditions de l’innovation et du bien-être
Cette conférence était animée par Frédéric Theismann et Alexia Dorczynski de la société Coherence. J’aime comprendre les choses et l’aspect hormonal du bien-être et de la créativité m’a bien plu.
Pour résumer (très simplement) : pour contrecarrer le stress (induit par le cortisol), il faut sécréter suffisamment de dopamine et d’ocytocine. La dopamine pourrait être considérée comme l’hormone de la satisfaction personnelle et l’ocytocine est au contraire un peu l’hormone du bien-être relationnel : celle qui est sécrétée quand on nous complimente ou au contraire qu’on complimente quelqu’un.
Très brièvement, le bien-être et la confiance permettent plus de créativité et permettent donc l’innovation. Et pour atteindre cela, quelques pistes :
faire de la méditation (permet de sécréter de la dopamine) ;
féliciter et récompenser l’effort plus que le succès. Récompenser le succès est contre-productif parce que ça a tendance à augmenter la peur de l’échec et donc ça réduit les prises d’initiatives ;
plus généralement, donner du feedback, et en demander si nécessaire ;
formaliser dans chaque cercle de travail (et pourquoi pas dans d’autres cercles) un contrat relationnel qui définit quelques règles à respecter (par exemple : tout le monde se tutoie, interdiction de parler de boulot à la pause café, interdiction de se couper la parole, etc) ;
parler d’autres choses que du boulot, ce qu’on appelle outre-mer le small-talk.
Que changer et comment changer le monde ?
Je crois que cette conférence était ma préférée. Une conférence inspirante, positive, pleine d’espoir. L’histoire de SolarImpulse, l’avion solaire qui a fait le tour du monde. Pendant cette conférence, Bertrand Piccard, initiateur du projet, nous a raconté comment le projet était né. Comment il a fait de son rêve une réalité. Malgré les obstacles.
Il nous a raconté comment au départ, il pensait avoir des soutiens de la part de l’industrie aéronautique, de la part de l’industrie électrique et plus généralement énergétique. Il n’en a eu aucun. Personne n’a cru en son projet, aucune société ne voulait associer sa marque à ce qui allait être un échec à leurs yeux. Tout le monde lui disait que c’était impossible car ça n’avait jamais été fait. Mais Bertrand Piccard est allé au bout de son rêve : "c’est justement parce que c’est impossible qu’il faut le faire". Car sinon ça restera impossible.
L’innovation vient toujours de l’extérieur, parce que tout le monde s’enferme dans des habitudes, des croyances, des certitudes. Et ce sont donc souvent ceux qui viennent de l’extérieur d’un domaine, qui n’ont pas ces croyances, qui innovent. Bertrand Piccard, psychiatre de son métier, est ainsi devenu le premier pilote à faire le tour du monde en avion solaire.
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », Mark Twain
Une phrase que j’ai retenu de cette conférence :
« L’innovation, ce n’est pas avoir une nouvelle idée, c’est abandonner une croyance », Bertrand Piccard
Il nous a raconté comment, alors qu’il n’avait encore aucun plan, aucun prototype, aucune technologie pour y arriver, il a annoncé en conférence de presse qu’il ferait le tour du monde en avion solaire. Son équipe l’a pris pour un fou, mais il était maintenant « condamné à réussir ». Il a ainsi coupé les ponts derrière lui : aucun retour n’était possible.
Son discours, c’était aussi une ode à la remise en question. André Borschberg, son coéquipier, co-créateur de l’avion, n’était jamais d’accord avec lui. Ils sont très différents. À chaque problème, chacun avait sa solution, radicalement différente. Et c’est en discutant ensemble qu’une troisième solution émergeait des deux leurs. Et c’est ce qui leur a permis de réussir. Pour réussir, il faut « se battre soi-même contre soi-même ». Ne pas vouloir avoir raison. Et travailler avec des gens différents, écouter les points de vue différents pour en faire émerger d’autres idées plus riches.
Une fois les plans réalisés, il nous a raconté que personne ne voulait le construire parmi les industries aéronautiques. Personne ne voulait prendre ce risque. Et c’est donc un constructeur naval suisse qui a accepté de construire l’avion.
« Pour qu’un constructeur naval dans un pays qui n’a aucun accès à la mer survive, c’est qu’il est compétent », Bertrand Piccard
Il explique maintenant qu’il était bien naïf de croire qu’il allait être soutenu simplement parce que c’était un beau projet. Sa leçon aujourd’hui : « pour qu’un projet se concrétise, il faut que tout le monde y trouve son compte ».
Enfin, quelqu’un lui a demandé à la fin quel était son plus bel échec. Et il nous a raconté comment, bien avant ce projet, il avait annoncé en grandes pompes qu’il allait faire le tour du monde en ballon, et comment il avait dû amerrir 6h plus tard. Mais il en tire profit :
« C’était une vaccination contre le ridicule », Bertrand Piccard
Un défi exceptionnel qu’il s’était fixé, une belle réussite, et une belle preuve qu’on est capable beaucoup de choses avec les énergies vertes.
Son objectif maintenant ? Sélectionner 1000 projets écologiques pour montrer au monde et aux décideurs que développement durable et économie ne sont pas incompatibles (une idée qui commence, enfin, à faire son chemin).
Conclusion
En bref, ces deux jours étaient très enrichissants. Ils ont été également l’occasion de discuter autour de projets et ça m’a permis de mûrir une idée de projet qui venait de germer dans ma tête la semaine dernière et qui devrait prendre vie d’ici quelques jours.
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